CINEMA de Christian GREGOIRE

Publié le par Le Syndicat des journalistes et écrivains

 

Les révoltés, de Michel Andrieu et Jacques Kebadian

On a tant discouru sur les images de Mai 68 que les (re)découvrir dans ce montage qui les met en valeur nous ouvre encore davantage le regard. Un demi-siècle après avoir tourné ces images quelques-unes  de ces archives dans le quartier latin comme à Renault Billancourt, les réalisateurs signent un documentaire porté par l’utopie politique dont elles gardent la trace. Les images d’il y a cinquante ans forment ainsi un film d’aujourd’hui, d’une beauté et d’une véritable énergie qui entre singulièrement  en résonance avec l’actualité sociale. 

Edmond, d’Alexis Michalik

Alexis Michalik avait écrit une pièce alerte et au succès triomphal sur la création effrénée du Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Le voilà encore plus performant dans l’auto-adaptation très cinématographique de son spectacle de théâtre sur le théâtre. Virevoltante, drôle, cette comédie hommage aux feux de la rampe est pleine de panache. Elle est portée par une troupe éclectique faite de jeunes acteurs et de vieux briscards, avec une prime à Olivier Gourmet, inénarrable en Coquelin aîné, l’acteur qui porta le premier le nez de Cyrano.

L’heure de la sortie, de Sébastien Marnier

La figure de l’enseignant chahuté, voire violenté par des élèves intenables, revient régulièrement sur les écrans. Mais ce qui intrigue d’emblée dans ce film, est l’extrême correction apparente des collégiens cherchant à humilier leur professeur de français remplaçant après le suicide du titulaire. Et aussi l’hypothèse de leur supériorité psychologique, intellectuelle, et sociale sur lui. Ils forment la brillante classe de troisième pilote, d’un établissement privé huppé. Et se montrent  particulièrement habiles pour le harcèlement moral, à coups de réponses laconiques et de questions insidieuses. Mais le pire est à venir.  Car le prof n’est pas seulement déstabilisé, puis effrayé par la petite bande  d’adolescents hors normes, il en devient aussi le spectateur fasciné. Il les suit à ses heures perdues, et espionne leurs activités. Les enfants, impassibles et résolument hostiles, sont ceux d’un monde qui ne croit plus au progrès, mais seulement à l’imminence des catastrophes. Le prof malmené tend d’ailleurs à se comporter comme s’il avait encore un pied dans cette noirceur adolescente, au-delà de ses élans protecteurs. Ce film livre un écho sociologique aux rapports d’aujourd’hui avec la jeunesse.

Les invisibles, de Louis-Julien Petit

Le réalisateur réussit un tour de force : transporter une saisissante matière documentaire sur le quotidien des femmes sans domicile fixe, en pétillante comédie sociale. Derrière les quatre attachantes figures de résistantes (dont deux assistantes-sociales sincères et risque-tout), on croise une dizaine de femmes qui, toutes, ont connu la grande précarité ou la rue, et qui tiennent ici leur premier rôle, souvent inspiré de leur propre vie. Dirigées avec humour et filmées avec cœur, elles se révèlent. La justesse est aussi dans l’équilibre entre le mouvement et l’histoire et le cinéma engagé. Si ce fol épisode se joue entre les murs de l’Envol, un centre d’accueil de jour, il laisse aussi entrevoir la violence de la rue, et montre des êtres, qui ne nous apparaissent plus comme des SDF invisibles, mais  aux vies, aux personnalités et à la vitalité finalement précieuses. 

Christian GREGOIRE

Publié dans n° 360 - 1er tri 2019

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :