QU'EST-CE QUE L'ART ?

Publié le par Le Syndicat des journalistes et écrivains

 

Nous pouvons considérer l’art (musique, architecture, peinture, littérature ou cinéma) comme une réalité éphémère, n’ayant qu’une durée dans le temps, mais nécessaire pour la vie de la pensée, la réflexion et les échanges entre les hommes. Un art émerge de sentiments, d’émotions, de désirs, mais surtout d’intuitions et de réflexions, et un compositeur, un peintre, un écrivain ou un poète exprimera et proposera son vécu/ressenti à ses semblables.

Nous noterons toutefois qu’il y a des niveaux psychologiques d’expressions et de ressentis. Chaque artiste s’exprimera donc, créera, suivant sa caractéristique psychologique propre. Un artiste se distingue par ce qu’il est, ce qui le motive, la spécificité de son psychisme, ce qu’il souhaite exprimer et partager. Et n’oublions pas que les couleurs et les formes, les sons et les rythmes, ont un impact psychologique et physiologique sur les hommes et l’environnement. Dans ce sens, un artiste a une certaine responsabilité avec ce qu’il propose à entendre, à lire ou à voir.

Cependant, depuis quelques décennies, nous pouvons observer, il y a heureusement de nombreuses exceptions, que l’art, ne porte plus vraiment des modèles pouvant éveiller et élever la conscience humaine. Beaucoup de personnes vont bondir de leur siège en lisant cela et nombre d’artistes souhaiteront me gifler ou me traiter d’imbécile. J’en suis très conscient. Mais peut-on toutefois regarder les choses franchement en face. Est-ce s’exprimer adéquatement quand une création est simplement du défoulement instinctif ? Chacun de nous est libre de s’exprimer, me direz-vous. J’en conviens. Toutefois nous n’avons pas le droit d’imposer la vulgarité, des images nauséabondes, des relents de poubelles.

Toute personne a le droit de s’exprimer comme il le souhaite. Mais photographier ou peindre des excréments ou une personne faisant une fellation à une autre, par exemple, est-ce de l’art ? N’est-ce pas simplement de la provocation, un besoin de choquer ? Je suis pour l’humour et la dérision, non pour la provocation gratuite.

Car si l’on admet que les couleurs et les formes sont des vibrations autant que les sons (et nous pourrions percevoir la couleur de chaque son), qu’elles émettent des ondes, invisibles certes mais nous atteignant, nous comprendront qu’elles sont facteurs d’incidences positives ou négatives suivant le cas. Dans ce sens,  la qualité d’une couleur ou d’une forme influencera  nos comportements, notre humeur. Un son, par exemple, peut être destructeur, ou tout au moins être très désagréable voire nous perturber physiologiquement et psychiquement. Des recherches scientifiques sur ce sujet le prouvent aujourd’hui.

De même pour les formes, et particulièrement les formes architecturales. Les formes émettent des ondes, appelées « ondes de forme », lesquelles peuvent être agressives. Les architectes de l’ancienne Egypte et de la Grèce, et ceux qui construisirent les églises romanes ou gothiques, par exemple, avaient cette connaissance. C’est pourquoi les édifices qu’ils construisirent répondaient à une loi d’harmonie pour s’intégrer au mieux dans le milieu choisi.

 Une autre question qui devrait interroger aujourd’hui nos contemporains : Qu’est que la peinture ? Je pose cette question car avec la notion « art plastique », répandue depuis quelques décennies, le gadget et la fantaisie ont remplacé la représentation du monde qui nous entoure par des subterfuges de mots qui veulent expliquer ce qu’un plasticien à fait. Le discours a, de cette façon, plus d’importance que la création elle-même.

Et cette autre question : Que veut-on peindre ? Ce que nous voyons ou observons et ce que nous imaginons ou rêvons sont les facteurs essentiels pour la création, mais n’y-a-t-il quelque chose derrière la réalité phénoménale ? La réalité qui nous entoure, est-elle la seule réalité ?

Wassily Kandinsky, renversa le mode d’observation, la façon de voir, d’observer, de montrer. Avec wassily Kandinsky, la peinture n’est plus simplement la représentation de la réalité extérieure, mais aussi de la réalité intérieure. C’est-à-dire la vie invisible de l’être. Mais est-il possible de peindre l’invisible, de le donner à voir ? Oui, si considérons que les couleurs et les formes n’appartiennent pas uniquement au monde phénoménal, qu’elles ont « une sonorité intérieure », en résonance avec ce  qui n’est pas percevable, si en leur subjectivité, en tant qu’impression, elles sont elles-mêmes invisibles. La révolution que fut l’abstraction eut une signification majeure, certainement d’un ordre spirituel. Et en congédiant la figuration, soit l’équivalent esthétique de l’objectivisme moderne, de son vide et de son désarroi, elle conduisit l’homme à lui-même et l’art à sa vocation. D’autres peintres avant lui avaient cette approche.

Cependant, l’abstraction a débouché sur un non sens. Par exemple, des peintres qui se référaient à la gestuelle de la peinture calligraphique chinoise ou japonaise, n’ont pas vraiment intégré ou compris leur démarche, et leurs gestuelles qui venaient de l’intérieur et d’une parfaite maîtrise, se transformèrent trop souvent en une gesticulation pour poser sur la toile des formes qui n’avaient pas trop de sens. Car le geste qui conduisait la main et le corps restait physique au lieu d’être intérieur.

Considérant ceci, nous dirons que l’art a du sens s’il conduit l’homme à s’élever au-dessus de sa condition et s’il permet d’élargir son champ de conscience. Elargir son champ de conscience, c’est  s’éveiller à d’autres niveaux de perception et d’intérêt. S’éveiller pour mieux voir et écouter. Un roman ou une peinture, par exemple, après lecture ou attention visuelle, doit nous amener à quelque chose dont nous n’avons pas l’habitude. Si l’un ou l’autre n’est que l’expression du banal, nous resterons dans la banalité quotidienne. Si l’un ou l’autre porte une expérience réelle et intérieure, il nous portera  vers un horizon inconnu ou mal connu, nous gravirons alors quelques marches supplémentaires. Notre vie changera. Nous grandirons.

Didier Du Blé

Publié dans N° 359 - 4e Tri 2018

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