POESIE de Christian GREGOIRE

Publié le par Le Syndicat des journalistes et écrivains

En résonance avec le contenu de mon éditorial, voici un poème que j’ai écrit en pensant à ces pays figés dans la technologie qui ont dévoyé la nature, persuadés que tout s’achète, même l’éternité. 

UN MONDE SANS OISEAUX

Imagine un monde sans ruisseaux
Imagine un monde sans oiseaux
Une immense et triste mégapole
Sans trottoirs, sans parcs, sans parasols,
Toute de stuc, de verre et de marbre
Avec juste ici ou là un arbre
Sans fleurs ni écureuils
Et même pas de vent pour agiter ses feuilles.


Imagine un monde sans automnes,
Sans hivers non plus, et sans printemps
Juste le plomb d’étés monotones. 
Imagine un monde sans étangs
Juste une mer morte sans poissons 
Où des yachts viennent tourner en rond
Des taches dans le ciel
Et des plages dorées de sable artificiel.


Imagine un monde sans terrasses
Sans bistrots, sans jardins et sans places
Un monde sans couleurs, et sans lune
Centré sur ses valeurs de fortune
Mais bien enclos sur ses interdits,
Qui n’est un ersatz de paradis
Sous un soleil d’enfer
Un monde sans saveur, à la lourde atmosphère.


Imagine un monde de silence,
Sans éclats de voix, sans insolence
Imagine un monde sans musiques
Juste les cliquetis numériques
Dans les habitudes quotidiennes
Sous l’œil des caméras aériennes.
Un monde sans pitié 
Auquel toujours la plèbe ainsi doit se plier.

Imagine ce monde d’acier,
De tôle, de béton et de pierres
Un soleil jaune et un air vicié
Des traînées d’ennui et de poussière.
Une immense et triste mégapole
Imagine un monde sans école
Ni sans rires d’enfants.
Et des nababs drapés dans leurs airs triomphants. 

 

Est-ce que tu vivrais dans ce monde
Où une ère nouvelle se fonde
Où l’on veut dompter chaque élément
Dans une nature sans nature
Et chambouler l’environnement
Pour mieux complaire à l’architecture ?

Est-ce que tu vivrais dans ce monde
Sans colères ni esprit de fronde
Où l’on éteint les velléités
D'égalité et de libertés
Monde sans âmes dont les héros
Ont des comptes à plusieurs zéros ?

Voudrais-tu d’un monde sans ruisseaux
Voudrais tu d’un monde sans oiseaux ?
Sans arbre au pied duquel s’endormir
Par un bel après-midi de mai
En faisant le rêve que jamais
L’humanité ne puisse finir. 

Christian GREGOIRE

Extrait de « Entre ciel et mer » - Editions l’Atelier Poétique – décembre 2023

Publié dans 381 - 2e Tri 2024

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