L I R E

Publié le par Le Syndicat des journalistes et écrivains

 

I AM NOT YOUR NEGRO de James BALDWIN – Textes rassemblés et édités par Raoul PECK

Editions 10/18 Robert Laffont – Velvet Film

 

Non seulement nous avons le droit d’être libres mais nous en avons le devoir (Martin Luther King)

En juin 1979, James Baldwin, écrivain de renom, se fixe une tâche complexe, celle de raconter son histoire de l’Amérique à travers la vie de trois de ses amis assassinés : Medgar Evers (1963), Malcom X (1965)), Martin Luther King (1968). Baldwin n’avait pu écrire que trente pages de notes intitulées Remember This House (Souvenez-vous de cette maison).

Les textes rassemblés par Raoul Peck, producteur, metteur en scène haïtien… et titulaire de nombreuses récompenses et distinctions dans le milieu culturel et artistique, sont poignants et s’inscrivent dans la lutte des Noirs pour conquérir, à l’égal des Blancs, ne serait-ce qu’une toute petite place au soleil. C’est l’histoire des Etats-Unis d’Amérique, pays moderne avec son propre héritage d’esclavage sanglant et douloureux… 

                Je ne suis pas un nègre, je suis un homme

En reprenant l’écriture inachevée de Baldwin, Raoul Peck a abouti à la production d’un film documentaire, sélectionné eux Oscars pour remporter un César en 2018, dont ce livre est tiré.

Raoul Peck révèle que Baldwin  fut l’ami d’Yves Montand, Simone Signoret, Marguerite Yourcenar venus lui rendre visite à Saint-Paul de Vence. Baldwin aimait la France mais  la France l’a oublié. Il savait encourager, aimer, redonner confiance, l’empathie faisait partie intégrante de sa personnalité. Dans l’ouvrage de Raoul Peck, quelques  photos dont l’une montrant Baldwin aux côtés du compositeur et chef d’orchestre Leonard Bernstein recevant tous les deux la Légion d’honneur des mains de François Mitterand. La source documentaire de Raoul Peck fut également la sœur de Baldwin, Gloria Karefa-Smart qui l’aida dans la collecte de souvenirs.

James Baldwin avait écrit :

c’est un très grand choc pour vous de découvrir que le pays où vous êtes né, auquel vous devez la vie et votre identité, n’a pas créé dans tout son système de fonctionnement réel, la moindre place pour vous.

 

 

LA PROCHAINE FOIS, LE FEU, de James BALDWIN

Editions Gallimard, Folio

 

James Baldwin est né en 1924 à New York dans le quartier de Harlem. C’est à Paris que son écriture lui assure ses premiers succès. Il écrit également pour le théâtre et se révèlera comme le porte-parole du mouvement antiségrégationniste. Il meurt en France, à Saint-Paul de Vence en 1987. De nombreux romans et nouvelles font de lui un des plus grands écrivains américains de sa génération.

 

Ce présent ouvrage comporte deux parties : Et mon cachot trembla… Lettre à mon neveu à l’occasion du centenaire de l’Emancipation : James Baldwin adoube en quelque sorte son neveu dans l’optique de le souhaiter grandir au milieu de communautés, les Noirs et les Blancs, pour lesquelles son combat dominé par le désir de justice n’aura pas de fin. Dans le monde des Blancs, le Noir a rempli la fonction d’une étoile, d’un pilier mobile. Il abandonne sa place et le ciel et la terre tremblent jusque dans leurs fondations.

 

Au pied de la Croix Lettre d’une région de mon esprit : le conditionnement d’être Noir parmi les Blancs et les infamies dont celui-ci est porteur imprime à la naissance sa marque de différence, pour nier tout progrès socio-économique de la personne noire, puisque le Blanc détient le pouvoir. Et ces vertus prêchées mais non pratiquées par les Blancs n’étaient rien de plus qu’une autre façon de maintenir les Noirs en esclavage. L’enfant devenu adolescent comprend qu’il vit dans un monde qui ne va pas le construire mais le détruire. Pendant trois ans James Baldwin devient prédicateur car la religion semble lui promettre ce bénéfice d’appartenance à la vie… mais il en mesure vite ses limites tant les Ecritures et les comportements induits lui apparaissent comment une source d’absurde marchandage avec le Très Haut. ; le salut n’allait pas plus loin que la porte de l’église.

L’analyse profonde sans concession que James Baldwin fait de l’être humain l’amène à la conclusion que tout ce que les Blancs ignorent des Noirs révèle précisément et inexorablement ce qu’ils ignorent d’eux-mêmes et l’amour n’est-il pas une chose plus importante que la couleur de la peau ? L’auteur établit aussi que l’être humain ne peut s’affranchir de ce qui fait l’histoire de son peuple, mais que celle-ci doit être le sédiment pour une réflexion le tirant vers le haut. L’un des postulats de James Baldwin est que quiconque avilit les autres s’avilit lui-même.

L’auteur estime que si la ségrégation a cessé dans les écoles en 1954, c’est tout au plus en raison de l’évolution politique et ce n’est pas une preuve soudaine d’amour et de justice, mais plutôt une crainte face à la montée en puissance de l’Afrique et ce qu’elle allait représenter pour les générations futures de Noirs.

Nous sommes capables de supporter un lourd fardeau une fois que nous avons découvert que ce fardeau c’est la réalité et que nous renonçons à chercher l’impossible. Il faut beaucoup de souffrance spirituelle pour ne pas haïr celui qui vous hait et dont le pied écrase votre nuque.

La Rédactrice en chef

Publié dans N° 359 - 4e Tri 2018

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