EDITORIAL par Christian GREGOIRE

Publié le par Le Syndicat des journalistes et écrivains

Ebola, l'hypocrisie virale

En 1976, un virus alors inconnu provoque une maladie aiguë et grave, souvent mortelle si elle n'est pas traitée. Cette maladie apparaît pour la première fois lors de deux flambées simultanées, à Nzara au Soudan, et à Yambuku, en République du Congo. Cette ville étant située près de la rivière Ebola celle-ci donne son nom au virus et à la maladie.

En 2014, nouvelle flambée en Afrique de l'Ouest, la plus importante et la plus complexe depuis la découverte du virus. Celle-ci a comme particularité de s’être propagée d’un pays à l’autre, partant de la Guinée pour toucher la Sierra Leone et le Liberia (en traversant les frontières terrestres), le Nigeria (par l’intermédiaire d’un seul voyageur aérien) et le Sénégal (par l’intermédiaire d’un voyageur arrivé par voie terrestre). Les pays les plus touchés (la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia) ont des systèmes de santé très fragiles, manquent de ressources humaines et d’infrastructures et sortent à peine de longues périodes de conflits et d’instabilité. Le 8 août 2014, le Directeur général de l’OMS déclarait que cette épidémie constituait une urgence de santé publique de portée internationale.

Entre ces deux dates, que s'est-il passé ? Rien. Pour les grandes puissances internationales, Ebola n'est alors qu'une maladie surprenante, dont le foyer d'infection serait des chauve-souris frugivores, qui contamineraient d'autres animaux d'Afrique dont se nourrissent les hommes.... Si loin de New York, Paris, Londres ou Berlin, il ne s'agissait que d'une épidémie régionale.

Bien sûr, les moyens scientifiques et techniques de recherches vaccinales existaient déjà et auraient sans doute pu être mises en place. Du moins les études auraient-elles pu être lancées pour intervenir rapidement sur le terrain. Au lieu de cela, on s'est contenté de quelques aides homéopathiques et de beaucoup de compassion. Car en fait, développer un vaccin prend des années et coûte très cher, disait-on, le distribuer aussi. Et si on fait une comptabilité morbide comme l'on sans doute fait la plupart des grands laboratoires de recherches mondiaux, l'équation n'était pas rentable: le nombre de victimes potentielles semblaient insuffisant pour mobiliser autant de moyens.

Ce que n'avait pas prévu alors tous ceux qui se moquaient comme d'une guigne de cette maladie infectieuse qui touchait des pays pauvres avec un système sanitaire déplorable, c'est que, autant que leurs capitaux, les méfaits de l'internationalisation allaient rendre volatile cette épidémie. Depuis quarante ans en effet, les moyens de transport ont bien évolué, et d'Afrique aussi on se déplace.

Dès lors, le branle bas de combat a été décrété contre la maladie, pour la contenir, et des programmes de luttes contre l'infection, et contre sa transmission ont été élaborés, lorsqu'au printemps dernier les premiers cas ont atteint l'Amérique et l'Europe.

Dès lors, dans tous les centres de santé, on a mis en place des équipes et des structures spécialisées, les organisations humanitaires et l'OMS se sont enquises de la situation en Afrique et ont enfin mené des opérations de prévention et de soins. Tant que Ebola était circonscrit à son territoire, il ne représentait rien pour les pays riches. Aujourd'hui qu'il a décidé de passer les frontières et de traverser les océans, une mobilisation générale a été décidée.

Rapidement, a été produit en quelques mois, le premier vaccin expérimental dont les résultats des premiers essais cliniques se sont révélés plutôt prometteurs. Sans doute avait-on déjà réfléchi à ce vaccin visant à prévenir de grandes épidémies, mais il fallu plusieurs décennies pour que l'on considère que cela valait la peine de s'y pencher un peu plus et de le développer. Aux États-Unis, où il est conçu, sans doute les lobbies et les grandes campagnes médiatiques vont-ils distiller d'inquiétantes informations sur les risques de contamination. Alors là, oui, pour les distributeurs du vaccin, s'attaquer au marché américain, ça vaudra vraiment le coup. Pour les autres, ceux qui resteront en Afrique, il n'est pas certain que ce vaccin puisse être à la portée de leurs bourses.

Si les associations et les autorités internationales peuvent développer les moyens pour la prévention, et envoyer des équipes sur place pour encadrer la lutte contre le virus mortel, il n'est pas certain hélas que la communauté internationale soit pour autant disposée à s'engager sur le continent dans une coûteuse campagne de vaccination massive.

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Publié dans N° 344

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